24. APOSTOLAT DE LA SOUFFRANCE
Il y a des Exercices spirituels de conversion, lorsque l'âme a dévié et qu'elle veut reprendre le bon chemin. Il y a des Exercices de progrès et de perfection, lorsqu'une âme déjà bien acheminée sur la voie de Dieu et du progrès veut y avancer plus rapidement. Il y a des Exercices eucharistiques faits pour éclairer l'âme sur la foi dans l'Eucharistie, pour conduire à l'imitation de Jésus Eucharistie, pour la conduire à l'union intime avec Lui, avec la sainte Hostie présente dans le tabernacle. Saint Paul disait Vivo ego, iam non ego, vivit vero in me Christus (Ga 2, 20). La Sœur Disciple dit Jésus Hostie vit en moi.
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Les Exercices, pour les religieuses en général et particulièrement pour les novices, portent sur la considération de Jésus, religieux du Père, Jésus, lumière, modèle, récompense des religieux. De même y a-t-il des Exercices sur l'humilité, sur les vœux religieux. L'obéissance qui unit la volonté à celle de Jésus, toujours soumis au Père (Jn 8, 29); sur la pauvreté qui fait entrer dans la grotte de Bethléem, qui fait suivre Jésus durant sa vie jusqu'à demeurer avec Lui dans la pauvreté de la croix. Jésus n'avait pas d'oreiller, pas une goutte d'eau, pas le moyen de bouger, de prendre une position plus commode. Comme nous sommes loin de la pauvreté de Jésus. Nous avons presque peur de commettre un sacrilège lorsqu'on dit nous ressemblons à Jésus. Non. Nous ne sommes pas capables de supporter une petite peine.
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L'apostolat de la souffrance, c'est souffrir avec Jésus pour sauver les âmes. Nous portons tous notre croix ici bas. Il y en a qui la porte en la traînant, qui en enlève quelques morceaux pour qu'elle pèse moins, qui la lève pour la montrer à tous, qui la porte avec Jésus. Voilà ce qu'il faut faire!
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Le Baptême répare le péché d'Adam, mais il ne nous rend pas tous les dons dont le péché nous a privés, c'est pour cela que demeure sur la terre cet ensemble de peines, de souffrances qui préparent à la dernière souffrance qu'est la mort. Nous supportons tous des douleurs physiques, des maladies, des incompréhensions, des ingratitudes, des doutes, des incertitudes, des découragements, des peines morales. D'autres endurent des peines spirituelles - tendances mauvaises, tentations, scrupules, aridité, désolations.
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Toute la vie du Christ fut un martyre. De même, toute la vie du chrétien doit être crucifiée avec celle du Christ. On ne peut pas prétendre d'être les amis de Jésus et de passer par un autre chemin. Si nous passons par un autre chemin, nous ne rencontrerons plus Jésus. Adspicientes in auctorem fidei et consummatorem Iesum, qui, proposito sibi gaudio, sustinuit crucem, confusione contempta, atque in dextera (sedis) Dei sedet (He 12, 2). Si nous nous proposons des journées sans peines, une vie sans sacrifices, alors nous ne ressemblons pas à Jésus. Ce sont ceux en qui Jésus trouvera l'empreinte de sa croix qui seront sauvés. Saint Paul disait: J'annonce Jésus et Jésus Christ crucifié (1Cor 1, 23). Quelle différence entre Jésus et nous! Il a soif de souffrance, il désire que son heure arrive; nous craignons l'heure de la souffrance et nous la fuyons. Écoutez les paroles du Divin Maître Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive (Lc 9, 23).
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Voulons-nous être de vrais disciples de Jésus? Suivons-le sur le chemin royal de la sainte Croix, c'est-à-dire:
1. Renonçons à nous-mêmes.
Renoncement à nos tendances, à nos préférences, à nos goûts, à un travail qu'on aime, à un lieu qu'on désire. Pour bien vivre, nous devons toujours renoncer au mal et dire non aux tendances de la chair car elles sont contraires à l'esprit (Ga 5,17). Renoncer à voir ce qu'on ne doit pas voir, à entendre ce que l'on ne doit pas écouter; renoncement dans la nourriture, le repos, toujours. Il n'y a pas une heure de la journée où nous ne sommes pas visités par la croix. Une âme demanda un jour à Jésus En quoi dois-je renoncer à moi - même? La réponse fut semper et in omnibus (toujours et en tout). L'hostie que vous voulez recevoir n'est elle pas en même temps le sacrifice? Hostie signifie victime.
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2. Prenons la croix. Que Jésus nous donne autant de croix qu'il l'a voulu dans ses desseins. Puisque la croix est vie, elle nous sanctifie. In quo est salus et vita. Qu'il nous en donne autant qu'il en faut pour satisfaire, avant la mort, aux peines dues pour nos péchés, pour nous sanctifier, pour sauver beaucoup d'autres âmes, pour devenir semblables à Lui. Saint Paul dit: Je suis fixé sur la croix avec le Christ (Ga 2,19). Je porte dans mon corps les marques de Jésus (Ga 6,17).
Tu vas dormir sur un lit confortable tandis que Jésus est déposé sur la paille, sur la croix. Il est né pour souffrir et il s'est fait homme pour mourir. Es-tu humiliée, as-tu des peines que tu ne peux confier à personne, des luttes intérieures? As-tu des malaises? Ta vue et ton ouïe s'affaiblissent-ils? C'est un signe que la mort approche. En éprouves-tu du dégoût? Jésus aussi en a éprouvé. Père, s'il est possible, éloigne de moi ce calice, cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne (Lc 22, 42).
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3. Suivons Jésus. Je ne parle pas de ce que les simples chrétiens doivent faire, mais de ce que doit faire l'apôtre de la souffrance. De Jésus, il est écrit: Iniquitates nostras Ipse tulit - C'était nos souffrances qu'il portait (Is 53, 4). Il s'est fait l'apôtre de la souffrance, il a porté toutes nos iniquités pour nous sauver. Toi aussi, mortifie-toi pour que les vocations se multiplient, pour que l'Église se répande.
Une âme peut dire qu'elle exerce l'apostolat de la presse, des éditions, l'apostolat liturgique; elle peut dire qu'elle fait son apostolat avec rectitude. Mais qu'est-ce qui nous en donne l'assurance? Voyons si cette âme aime la souffrance, si elle se rend capable de souffrir. Si elle aime la souffrance, il n'y a pas de doute sur son amour à l'apostolat et la droiture à l'accomplir. Voilà le caractère, la pierre de comparaison, ce qui nous montre le cœur du véritable apôtre.
Réjouissez-vous si vous avez quelque chose à souffrir, le reste peut vous laisser dans le doute. Jusqu'où es-tu arrivée dans la souffrance? Sais-tu supporter quelque chose sans que toutes les autres le sachent? Sais-tu dissimuler tes peines intérieures?
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L'apostolat de la souffrance est l'apostolat le plus efficace. Jésus nous a sauvés par la prédication, par les miracles, mais surtout par la croix. Parce que tu as racheté le monde par ta mort et ta sainte croix. Âme, Jésus a hâte d'arriver à la passion. Il est considéré le rebut du monde et du peuple. Il va mourir sur la croix, l'échafaud le plus infâme. Comme tu es loin de Jésus! Essaie d'entrer avec Lui dans le jardin de Gethsémani, vois comment il accepte le calice de la passion, la flagellation, les insultes, le couronnement d'épines, la mort! Accompagne Jésus devant les tribunaux, toi qui as peur d'être laissé de côté, toi qui crains qu'on ne tienne pas compte des tes mérites. Suis Jésus dans le deuxième mystère douloureux! Il est jugé et considéré comme un lépreux, indigne de rester avec les autres. Il est flagellé jusqu'à en avoir les os découverts. Accompagne-le au couronnement d'épines et vois si ta tête altière, superbe, s'incline. Jésus va au supplice comme un doux agneau qui est conduit à l'abattoir. Iniquitates nostra Ipse portavit (Is 53, 7 et 4). On préfère Barabbas. Qu'en dis-tu, toi qui crains tellement d'être déplacée? Malgré tout, Jésus ne se plaint pas. Au contraire, son visage s'illumine à l'approche de la croix tant désirée.
Essaie de l'accompagner sur le chemin du Calvaire. Il porte la croix et se dispose à y être crucifié. Suis-tu Jésus? Il y a beaucoup d'âmes qui s'assoient à table avec lui mais il y en bien peu qui se laissent crucifier avec lui. Et voici les trois heures d'agonie. Jésus ne pense pas à ses souffrances, il se préoccupe des pécheurs: Père, pardonneleur parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34). Il pense au larron qui se repent. Aujourd'hui même, tu seras avec moi au paradis. Il désire les âmes: Sitio. J'ai soif (Jn 19, 28). Il pense à nous laisser une mère, sa Mère: Voici ta Mère (Jn 19, 27). Il veut glorifier le Père, et finalement, c'est volontairement qu'il incline la tête et qu'il meure (Jn 19, 30).
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Appréciez l'apostolat de la souffrance. C'est la vraie manière de racheter les âmes. Sine sanguine non fit remissio. Il n'y a pas de rémission sans effusion de sang (He 9, 22) en union avec Jésus.
Aimons la croix que le Père céleste nous envoie. Avant de nous l'offrir, il l'a donnée à son Fils bien-aimé. Accueillons-la dans un but apostolique : par la croix, sauver beaucoup d'âmes. Mettons-nous sous la protection de la croix et pensons que nous serons des âmes vraiment eucharistiques si nous savons vivre unies à Jésus, victime. Vivit in me Christus Hostia (Ga 2, 20).
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