Opera Omnia

5. NOUS SOMMES DES TABERNACLES VIVANTS!

Rome, le 6 janvier 1947

La dévotion à Jésus Maître nous porte à bien adorer, communier, assister à la sainte messe. En plus, elle nous porte à vivre la vie d'union à Jésus, une vraie vie eucharistique.

La très sainte Vierge a porté Jésus dans son cœur. Elle l'a reçu souvent dans la sainte Eucharistie.

Après la communion, la présence réelle de Jésus dure peu de temps en nous; la présence spirituelle, au contraire, peut durer toujours. L'âme qui fait une bonne communion devient la demeure de Dieu, notre cœur devient le tabernacle vivant de la Sainte Trinité. Nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure (Jn.14,23). Après avoir communié, la personne qui quitte l'église pour vaquer à ses devoirs, jardin, ménage, cuisine, est toujours porteuse du Christ, et cela, même si elle marche sur les routes, elle est christophore c'est-à-dire qu'elle est porteuse du Christ. Elle ressemble à un tabernacle qu'on transporte d'un lieu à l'autre.

J'imagine comment la bienheureuse Vierge menait une vie de recueillement profond lorsqu'elle portait Jésus en elle. Toujours absorbée dans le trésor qu'elle portait. La noblesse de ses pensées, la plénitude de son amour, sa donation totale à Dieu rayonnaient extérieurement.

Comme elle chemine joyeusement l'âme qui porte Jésus! Mon trésor est avec moi. Quelle joie!

Au contraire, il y a des personnes qui portent le diable parce qu'elles vivent dans le péché. Il y en a qui portent la vanité.

Vous portez Jésus, Dieu. Si vous baissez les yeux, si vous vous inclinez, voici que vous rencontrez Jésus en vous.

Marie eût cette grâce. On la représente même avec l'image de l'Enfant Jésus gravée en elle. Il peut en être de même pour vous. Il en est ainsi.

Jésus a des préférences et des sympathies. Il aime les humbles, les petits, les simples. À son berceau, il appelle les bergers; et les bergers furent ses premiers apôtres parce qu'ils furent les premiers à parler de Jésus à ceux qui le connaissaient, et cela, sans monter en chaire.

Avoir Jésus vivant dans le cœur, quel bonheur! C'est un avant-goût du bonheur du ciel. La personne qui porte Jésus doit le faire avec délicatesse, avec courtoisie, avec réserve, avec un amour particulier.

Lorsqu'on me confia la charge de sacristain, on m'enseigna comment faire. En entrant dans l'église, réciter immédiatement O sacrum Convivium - O Banquet sacré, et ne jamais tourner le dos au tabernacle, ne pas faire de bruit en marchant; s'il faut parler, le faire à voix basse, par des signes, etc. parce qu'on est en présence de Jésus.

La Sœur doit avoir cette attitude et cette délicatesse parce qu'elle porte Jésus en elle, parce qu'elle est devenue la demeure de la Très Sainte Trinité. Par conséquent, elle ne sera jamais impolie, elle ne bavardera pas, elle ne dira pas de sottises, elle sera toujours saintement heureuse et aussi saintement priante. Elle n'a pas le temps de se distraire parce qu'elle doit communiquer avec Jésus; elle a beaucoup à Lui dire. Sa communion se prolonge au cours de la journée et sa journée devient une conversation spirituelle continue. Notre cité, à nous, est dans les cieux (Ph 3, 20). Au ciel, les anges s'inclinent pour adorer, prier, supplier, aimer et remercier. Récitez un Gloire au Père à la Très Sainte Trinité que vous portez en vous. Gloire…

Marie portant Jésus s'est exprimée dans le Magnificat, ce cantique que Bossuet appelle l'extase de l'humilité de Marie. Toujours et partout, même en route, l'âme est unie à Jésus. Elle se rend compte des personnes et des choses qu'elle rencontre mais pas pour se distraire. Son regard est fixé sur la Trinité, comme les anges qui cherchent toujours le visage de Dieu. La personne qui vit cette intimité avec Dieu sent le Magnificat monter spontanément à ses lèvres. Elle loue le Seigneur pour tout ce qui lui arrive de bien ou de mal, soucis, indispositions, difficultés, petites croix. Magnificat… Magnificat… Mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur….

Elle se dit : moi, pauvre créature tirée du néant et qui ne doit vivre que peu de jours sur cette terre, j'ai été et je suis tant aimée par Jésus, je le porte en moi. Il a porté son regard sur son humble servante (Lc 1,48). Il a vu ma misère, ma pauvreté et il est venu me secourir. Magnificat! Il résiste aux orgueilleux, il donne sa grâce aux humbles. Hérode, l'orgueilleux, est resté dans son iniquité. L'humble Marie fut remplie de Dieu. Quiconque se remplit de soi-même, reste vide, car Dieu résiste, résiste, résiste aux orgueilleux tandis qu'il se penche sur les humbles pour les conduire, les réconforter, les enrichir. Si vous savez vivre dans l'humilité, vous serez plus chanceux que les philosophes orgueilleux ou les grands du monde, pleins d'eux-mêmes.

L'âme qui se rend compte, qui pense qu'elle porte la Très Sainte Trinité, a des sentiments humbles, semblables à ceux de Marie. Par conséquent, elle reste toujours en prière. Seigneur, bénissez-moi… Deo Gratias… aidez-moi, donnez-moi votre amour, ne me laissez pas manquer votre grâce! Elle vit dans une communion perpétuelle. Il est bon de répéter souvent les communions spirituelles au cours de la journée; d'arriver à en faire un certain nombre, mais on doit arriver à la communion habituelle, continuelle. Dilectus meus mihi et ego illi (Ct 2,16). Jésus est avec nous, nous sommes avec Jésus. Nous vivons de Lui, et même le soir, quand nous allons nous reposer, nous pensons que Jésus habite le saint tabernacle… mais moi, je l'ai également en moi. Je repose sur les bras du Père, je pose la tête sur le cœur de Jésus. Tu es en moi et je suis en toi (Jn 17,21). Que les journées deviennent méritoires! En premier lieu, qu'on enlève beaucoup de défauts et d'imperfections, qu'on augmente les mérites!

Saint Louis, l'angélique, prolongeait toujours sa communion. Il vivait à la manière des anges, toujours recueilli en Dieu. Tendons à cela nous aussi, jusqu'à ce que notre âme, libérée du corps, aille à son Dieu pour chanter éternellement le Magnificat de louange et d'amour!!
Récitons maintenant trois Gloire au Père avec l'intention que notre vie soit un Gloire… perpétuel à la Très Sainte Trinité qui vit en nous, un Gloire au Père qui se prolonge dans les siècles des siècles, c'est-à-dire, dans l'éternité.