Opera Omnia

40. «Ô SEIGNEUR QUI AVEZ DIT, VOUS VALEZ PLUS QUE LES MOINEAUX…»

Récollection - juin 1947, Maison mère, Alba

Répéter souvent l'invocation: Seigneur qui avez dit, vous valez plus que les moineaux, donnez-nous notre nid à nous aussi! (Lc12, 24). Pas parce que nous voulons avoir des commodités, mais parce que nous voulons mieux servir le Seigneur, avec les dispositions extérieures qui y concourent.

Voici une méditation sur la maison en construction afin de nous rendre plus dignes de cette grâce de Dieu. Pour avoir la maison il faut:
1. Une intention droite. L'intention droite est celle qui tend seulement à la gloire de Dieu, au bien spirituel des âmes, au progrès de la vie religieuse.

Désirez la maison pour la remplir de mérites, de bien, d'actes de vertu, d'apostolat fructueux, de chants sacrés. Désirez-la pour qu'elle vous serve à mieux pratiquer la pauvreté, la vie religieuse. N'ayez pas de buts humains.

Jésus est né dans la grotte de Bethléem. Il n'y avait pas de chauffage central, il n'y avait pas de robinets à eau courante, il n'y avait pas de lit moelleux pour se reposer, il n'y avait même pas un berceau pour lui. Il n'y avait aucune richesse matérielle, mais il y avait Marie et saint Joseph avec le Fils de Dieu incarné. Par conséquent, cette cabane misérable est devenu le sanctuaire le plus riche du monde, le temple qui possédait les plus grands trésors. Votre maison sera belle non pas en proportion du marbre et des sculptures mais à cause des âmes saintes qui y demeureront et du bien qu'on y accomplira.

C'est à Bethléem que le Fils de Dieu a commencé à chanter la gloire du Père céleste; les anges accoururent l'acclamer (Lc 2,14), et Marie et Joseph s'unirent à leur louange parfaite, à leur intention très pure.

Le Fils de Dieu a voulu tout prendre chez les hommes. Dans l'Eucharistie, il continue à recevoir de ses créatures le pain qu'il transforme en son corps. Jésus est le modèle de la vie religieuse; bien plus, on l'appelle le religieux du Père.

Plus nous cherchons et trouvons des commodités, plus nous courons le risque de nous éloigner de la vie religieuse. Dans les circonstances indépendantes de notre volonté, nous pouvons nous servir même des belles choses, mais nous devons le faire avec un vrai détachement.

Jésus Enfant a été éloigné de la pauvre cabane qui l'avait vu naître. En effet, l'ange avertit Joseph: Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa Mère, et fuis… car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr (Mt 2, 13). Ils ne s'en allèrent pas dans leur patrie. Jésus ne pouvait pas y retourner. Il était un persécuté politique et il s'est réfugié en Égypte, en terre étrangère. L'art et la légende présentent la sainte Famille sous une plante ou bien à la recherche d'aumône et de travail.

Une fois passé le danger venant d'Hérode, ils retournèrent à Nazareth (Mt 2, 23) où Marie avait une maisonnette, celle de l'Annonciation. C'est là que Jésus passa sa vie privée jusqu'à trente ans. C'était une maisonnette pauvre, misérable, dépouillée mais remplie de trésors spirituels, de cantiques sacrés, égayée par la récitation des psaumes et par la prière, par des actes de vertu, par le silence, enrichie par l'amour de Dieu le plus pur.
C'était la maison où Marie passait ses humbles journées dans la prière, dans le silence, à la couture, au filage, au ménage, à s'occuper des travaux les plus communs et les plus cachés. Ma maison sera appelée maison de prière (Lc 19, 46). Maison de prière et de travail.

Voilà donc de quelle manière vous devez désirer votre maison. Pour prier, pour devenir meilleures, pour mieux vivre la vie religieuse et accomplir plus convenablement l'apostolat. Lorsque par la suite, vous devez la quitter pour aller ailleurs vous dévouer à un autre ministère, il faut le faire sans trop de regret.

Jésus fit de même lorsqu'il dût inaugurer sa vie publique. Il quitta Nazareth pour aller à Capharnaüm…, (Mt 4,13) que l'on peut considérer comme une maison filiale. C'est là et ailleurs qu'il rassembla les Apôtres et qu'il faisait du bien aux foules.
Jésus fut très pauvre durant sa vie publique. Il pouvait dire: Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids; le Fils de l'homme, Lui, n'a pas où reposer la tête (Lc 9, 58).

Pour accomplir plus efficacement l'apostolat, il faut ordinairement quitter sa famille. Les parents constituent presque toujours un empêchement; ils raisonnent à partir d'un autre point de vue; ils se sanctifient d'une autre manière. L'âme religieuse, au contraire, n'a pas d'intérêt privé; elle cherche et s'occupe des intérêts de Jésus; elle n'a qu'un seul désir, celui de Jésus son époux.

Tout en ayant pied à terre à Capharnaüm, Jésus allait accomplir son apostolat en différents lieux de la Palestine. Il était reçu ici ou là, mais l'hospitalité n'était pas accueillante partout. C'est surtout à Béthanie qu'il trouvait beaucoup de piété et d'affection. Il recevait tout en aumône et il pouvait dire de chaque chose: cela n'est pas à moi. Il recevait tout ce qu'il devait utiliser et se montrait très reconnaissant. Que nous la pratiquions envers Dieu ou envers le prochain, la reconnaissance est une grande vertu.

La nuit, Jésus se retirait souvent sur la montagne et il passait des heures en prière. (Lc 6, 12). Toujours demeurer unies à Dieu. Ce n'est pas tellement l'habitation, le nom, la dignité, le titre, le costume qui compte. C'est le cœur qui compte. C'est l'accomplissement de la volonté de Dieu et le fait de rester unies à Lui. Veillez sur l'intention droite, autrement la construction de la maison n'avance pas.

2. Exercer la pauvreté. Observez la pauvreté afin que le Seigneur envoie les briques, le fer, le ciment, l'argent pour payer, et tout ce qu'il vous faut.
Pauvreté exercée individuellement et socialement. Que la communauté soit pauvre, pas misérable, pas désordonnée, mais qu'elle n'ait rien de superflu, rien d'élégant. Tout ce que vous avez de beau, mettez-le au service de Jésus. Il est le créateur de tout. Il a le droit de recevoir tout honneur et toute gloire. Nous, au contraire, nous ne méritons rien.

Voyez un peu si vous ne possédez pas quelque chose qui est contraire à l'esprit religieux; quelque chose de superflu. Voyez un peu si vous ne favorisez pas davantage votre famille naturelle que vous avez quittée que votre famille religieuse qui vous a accueillies.
Examinez-vous pour voir si vous ne vous intéressez pas excessivement à vos parents. Intéressez-vous à eux, oui, mais dans la prière, et d'une autre manière, seulement en autant que les Constitutions le permettent, et avec une soumission parfaite à l'obéissance. Concentrez maintenant toutes vos forces, vos activités et votre cœur sur la Congrégation.

Le Seigneur envoie la Providence à condition qu'on pratique bien la pauvreté. Si nous soignons bien les malades, le Seigneur pourvoit aux personnes en bonne santé.
Souvenez-vous cependant que le fait de posséder des choses superflues contribue à éloigner de l'Institut plusieurs moyens de faire le bien. Plus on élimine de superflu, plus la construction de la maison avance.

3. Contribuer toutes, chacune selon sa possibilité. Contribuer par la prière, par la recherche de la bienfaisance, par les moyens mis à votre dispositions, en produisant davantage dans l'apostolat. Il y a des Sœurs très capables d'agir et d'obtenir. Toutefois, que ce travail parte toujours d'une humilité sincère, de la conviction de ne rien mériter; qu'il soit accompagné de beaucoup de prière!
Ô Seigneur qui avez dit, vous valez plus que les moineaux… (Lc12, 24).