Opera Omnia

37. LE PARADIS

Ces jours-ci, nous avons considéré plusieurs choses à faire dans l'apostolat eucharistique, sacerdotal, liturgique. Votre champ d'action est si large, je voudrais dire, si énorme, vos initiatives sont si multiples, vos œuvres, si importantes, qu'un seul de vos apostolats suffirait à épuiser la vie de tout un Institut. Cependant, cela ne suffit pas, il faut aussi qu'il y ait l'autre partie du contrat : Êtes-vous préoccupées du salaire? Saint Paul nous avertit: Faisons le bien sans défaillance; car, au temps voulu, nous récolterons si nous ne nous relâchons pas (Ga 6, 9). La récompense que la bonne religieuse attend, c'est le paradis.

Le paradis est avant tout la récompense de la religieuse fidèle. Jésus l'a préparé pour tous parce qu'il veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2, 4). Tous les justes iront au paradis, mais il est avant tout la récompense de la religieuse. Des promesses spéciales lui sont réservées. Elle a renoncé à la terre, à avoir une famille, aux joies qu'elle pouvait se permettre sans pécher. Elle a renoncé à tout pour avoir une récompense plus grande, en vue du royaume des cieux. Il y a eu cinq vierges prudentes et cinq insensées. La religieuse ressemble aux vierges prudentes qui ont gardé leurs lampes toujours bien garnies et prêtes pour l'arrivée de l'époux.

Chaque fois que Jésus demande un renoncement, c'est pour donner une récompense: Tu auras un trésor au ciel (Mt 19, 21). Quand Jésus invite une âme à le suivre sur la voie de la perfection, il redit la promesse: Tu recevras le centuple et tu posséderas la vie éternelle (Mt 19, 29). La même promesse vous est faite à la profession. En Congrégation, vous pouvez vous procurer cent fois plus de mérites que dans le monde, et surtout, vous aurez cent fois plus au paradis.

Le paradis est la récompenses préparée pour tous les bons, mais elle n'est pas égale pour tous. Elle sera proportionnée au mérite de chacun. Chaque âme est libre de préparer la récompense comme elle la désire. En pensant au paradis, on ne peut pas dire: j'ai peu d'intelligence, peu de santé, je suis incomprise, je rencontre des obstacles, j'ai des tentations, il m'arrive d'avoir des doutes, des scrupules, des agitations. Il n'y a pas d'objections. Le paradis, tous peuvent le gagner et chacun est libre de le préparer pour soi-même, comme il veut. Peu importe le lieu et la situation où l'on se trouve.
Le paradis, lieu de la récompense éternelle est proportionné au travail qu'on accomplit, à l'amour avec lequel on l'accomplit, à la générosité avec laquelle on sert Dieu. Le mérite correspond à l'effort personnel. Il rendra à chacun selon sa conduite (Mt 16, 27). Saint Paul dit: une étoile même diffère en éclat d'une autre étoile (1 Co 15, 41).

Une personne ne peut pas gagner de mérites pour une autre, et personne ne peut nous voler nos mérites. On ne cède pas le fruit des bonnes œuvres, on pourra céder la valeur de réparation et les prières après la mort, mais la valeur méritoire, on ne peut pas la céder, même si on voulait le faire. Nous sommes tes œuvres, nous ne te laisserons pas (Saint Bernard de C.). Les bonnes œuvres nous attendent à la porte du ciel. Qui sème chichement moissonnera chichement; qui sème largement moissonnera largement (2 Co 9, 6).

Le paradis requiert de l'effort. Le royaume des cieux souffre violence (Mt 11,12).
Se faire violence et s'opposer aux curiosités, aux tendances mauvaises, à l'orgueil, à la sensibilité, à la facilité de satisfaire la paresse. Toujours de l'effort! Effort pour l'examen de conscience, effort pour bien prier.

Les anges nous préparent les trônes là-haut, mais avec le matériel que nous leur offrons d'ici-bas par notre bonne conduite. Dans la maison du ciel, il y a plusieurs vases de différente valeur. Nous adaptons le texte. Il y a des vases d'or, d'argent, de bois, de terre, des vases fragiles (2 Tm 2, 20).
Les vases d'or, ce sont les Sœurs ferventes qui cherchent Dieu en tout et toujours, des Sœurs comme sainte Thérèse, comme sainte Catherine, quelles grandes Sœurs! Il y en a même aujourd'hui dans les couvents et les Instituts religieux.
Les vases d'argent, ce sont les Sœurs de vertu commune, pratiquantes du devoir, bonnes.
Les vases de bois, ce sont les Sœurs négligentes; où qu'elles aillent, elles commettent des imperfections volontaires, elles laissent des défauts.
Les vases d'argile, ce sont les Sœurs qui ne sont pas bonnes, qui ont des affections malsaines. Des Sœurs qui ne sont pas disciplinées, qui dérangent là où elles se trouvent.
Soyez des vases d'or ou des vases d'argent au moins. Pas des vases d'argile! Ce que nous sommes ici-bas, nous le serons dans l'éternité.

Avec le dernier soupir, le temps de mériter cesse et cesse aussi le danger du démérite. On ne peut plus perdre la grâce, mais on ne peut plus augmenter le mérite non plus. L'arbre reste là où il tombe. Quel trésor que le temps! Le temps prépare et vaut l'éternité. Saint Thomas a vécu environ 50 ans. De même, un hérétique a eu 50 ans d'existence de la part de Dieu. Mais comme ils ont employé le don de la vie différemment. Saint Thomas s'est sanctifié, il a accompli beaucoup de bien dans l'Église. En 50 ans, il a mérité le ciel. L'autre a fait beaucoup de mal aux âmes et en 50 ans, il s'est rendu digne de la perdition éternelle.
Dans le ciel, il n'y a que deux situations : ou sauvés éternellement ou damnés éternellement.

Après des souffrances nombreuses, saint Jean de la Croix fut interrogé par le Seigneur sur la récompense qu'il désirait. Il répondit: souffrir et être méprisé pour ton amour. Quel héroïsme! Mais toujours en vue du royaume des cieux.

Les Exercices sont désormais terminés. S'il plaît au Seigneur, dans un an, vous vous rassemblerez de nouveau. Une pourra arriver plus sainte, l'autre tiède. Comment voulez-vous passer l'année? Quelle disposition intérieure avez-vous? Quel engagement voulez-vous y mettre? Comment voulez-vous vous trouver l'année prochaine? Qu'il y ait un grand engagement, oui, mais ça ne suffit pas. Il faut la confiance. Une grande confiance dans la sainte Hostie, dans la consécration de la messe, dans les dons que Jésus apporte dans la communion. Les saints avaient une grande confiance. Nos mérites auront de la valeur, oui, mais s'ils sont unis à la grâce et à l'aide que Jésus apporte. Avoir foi dans la passion de Jésus, beaucoup de foi dans la messe. Si le Père vous donne Jésus, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout? (Rm 8, 32).
Ayez confiance dans la présence réelle. On ouvre le tabernacle pour que les grâces nous soient communiquées. La confiance ne demande pas beaucoup de fatigue mais c'est celle qui augmente extraordinairement les mérites. Croire que Jésus veut donner, que Lui-même a plus envie de communiquer les mérites que nous de les recevoir. Croire que Jésus est bon et qu'il veut faire de vous des saintes.