Opera Omnia

18. DISPOSITIONS POUR BIEN FAIRE LES EXERCICES SPIRITUELS : HUMILITÉ ET CONFIANCE (Introduction)

Albano Laziale, (12-21 juin 1947)

Je suis certain que le Cœur sacré de Jésus se complaît en vous voyant réunies ici ce soir autour de l'autel pour commencer les Exercices spirituels. Il ne manquera pas de vous adresser une parole d'invitation: Voici le cœur qui a tant aimé les hommes… Aimez-moi! Et plus encore: Faites-moi aimer!
Écoutez cette invitation forte que le Cœur divin vous adresse au soir de la solennité de la Fête Dieu (du Corps et du Sang du Christ) et priez: Jésus, que vienne ton règne qui est un règne d'amour (Mt 6,10).

Vous vous êtes réunies ici maintenant alors que votre Institut a fait un pas important pour le bien de toute votre Famille religieuse. Ces jours-ci, vous penserez sur-tout à votre âme et ensuite comment vous pouvez vous développer, aux moyens d'obtenir des vocations, les vocations les meilleures, comment vous organiser, promouvoir l'esprit d'union, et comment correspondre aux desseins de Dieu sur votre Congrégation religieuse.
Le Seigneur vous a appelées dans cette solitude sacrée où plusieurs jours durant vous resterez en-dehors de vos occupations ordinaires. Lui, il veut vous parler, il veut se manifester à vous. Que de choses il a à vous dire, et comme il désire vos confidences! Il se peut que ces jours-ci vous fassiez de grands progrès dans l'amour de Dieu et que votre Institut en fasse beaucoup également. Cela dépend de vos dispositions qui se résument à deux, l'humilité et la confiance.

Il faut se présenter à Jésus humblement en reconnaissant nos propres faiblesses et nos besoins. La parabole de l'enfant prodigue nous enseigne comment. En se présentant au Père, il dit: Père, je ne suis pas digne d'être ton fils. Il s'était réduit ainsi par sa faute, seulement par sa faute. Mais il se jeta aux pieds du père avec beaucoup d'humilité: Je ne suis pas digne… mais toi, accueille-moi comme l'un de tes serviteurs. Et le père l'accueille, l'embrasse, l'habille et le fait présenter dans la maison, pas comme un gueux, un misérable, mais comme un fils bien-aimé.
À son retour de la campagne, l'aîné proteste, se met en colère. Voilà tant d'années que je te sers sans jamais transgresser un seul de tes ordres; eh bien, tu ne m'as jamais donné un seul chevreau pour me réjouir avec mes amis… Mais le père lui répond : Mon fils, tu as toujours été avec moi et tout ce que je possède est à toi. Mais il était juste de nous réjouir et manger ensemble parce que ton frère que voici était mort et il est ressuscité, il était perdu et le voici retrouvé (Lc 15,11-32).

Présentons-nous à Jésus comme le fils prodigue. Nous avons gaspillé tant de grâces dans la vie et nous l'avons aussi offensé ce Jésus qui nous a appelés à son intimité, à son amour. Et nous avons refusé de le suivre.
Le père du fils prodigue n'a pas reproché ses fautes à son fils, il a seulement ordonné la fête; il pense à le nettoyer, à le vêtir, à le présenter aux serviteurs comme son fils très cher. Humilions-nous, reconnaissons nos torts et nous n'aurons pas de reproches; nous entrerons dans l'intimités du cœur de Jésus. L'humilité remédie à tout.

Que Marie Madeleine nous serve aussi d'exempl! Silencieuse, elle entre dans la salle à manger et se prosterne aux pieds de Jésus. Elle les embrasse, les inonde de ses larmes, les essuie avec ses cheveux. Elle ne parle pas, elle pleure. Jésus comprend tout. La souffrance de Marie Madeleine et ses larmes parlent plus que bien des paroles.
Le Divin Maître voit le doute monter dans l'âme du pharisien et il lui dit: Simon, j'ai quelque chose à te dire. - parle, Maître! Un créancier avait deux débiteur: l'un lui devait cinq cents pièces d'argent et l'autre cinquante. Mais n'ayant pas de quoi payer, le maître remit la dette à tous les deux. Qui donc parmi eux l'aimera davantage? Selon moi, répondit le pharisien, celui à qui a été remis davantage. Jésus répliqua: tu as bien jugé; se tournant ensuite vers la femme, il dit à Simon: Tu vois cette femme? Je suis entré chez toi et tu ne m'as pas offert d'eau pour mes pieds tandis qu'elle les a inondés de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé, mais dès son entrée dans la salle, elle n'a cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas oint les pieds de parfum. C'est pour cela que je te dis: beaucoup de péchés lui sont pardonnés parce qu'elle a beaucoup aimé (Lc 7, 36-50).

Jetons-nous aux pieds de Jésus et pleurons nos péchés avec beaucoup d'humilité. Une âme peut-elle dire devant Dieu : je n'ai pas de péchés graves. Remercie le Seigneur si tu as conservé la grâce du baptême, mais tu ne peux t'en vanter. Combien d'imperfections et d'infidélités devons-nous nous reprocher malgré toutes les grâces reçues de Dieu! Parce que Dieu vous a aimées d'un amour préférentiel, il vous a donné une si belle et si haute vocation. Il a travaillé votre âme d'une façon particulière et il vous a appelées à une grande intimité avec lui. Quelques unes parmi vous sont appelées à une plus grande intimité avec le Maître Divin. Ne vous semble-t-il pas alors que les ingratitudes et les infidélités soient grandes? Dans une âme si aimée, comme le péché véniel est grave!

Je ne sais pas exactement jusqu'où Dieu conduira chacune de vos âmes, mais je sais que votre vocation est une vocation d'intimité, de perfection particulière. Vocation à l'amour semblable à celle de la sainte Vierge. Qui y parviendra? Jusqu'à quel point correspondrez-vous? Avec quelle générosité prononcerez-vous votre fiat ? Donnerez-vous à Jésus ce qu'il attend de vous? Et à l'Église, ce que vous lui devez? Au prêtre, toute la charité qu'il attend? Cela dépend de votre humilité et de votre confiance, de votre humiliation et de votre intimité. Pare que vous êtes appelées à une intimité spéciale, tout péché véniel, toute hésitation et tout doute de votre part est une chose grave.

Votre vocation se rattache, ressemble, participe beaucoup à la vocation de la très sainte Vierge. À quel point Marie est-elle arrivée? Marie fut toujours avec Jésus. Vous aussi, vous serez toujours avec Jésus. Vous êtes invitées à suivre Marie, à marcher sur la route des communications les plus intimes avec le Maître Divin. Détestez tout retard, tout doute et toute négligence et jetez-vous humblement aux pieds de Jésus pour qu'il vous accorde de comprendre la sublimité de votre vocation, de correspondre pleinement aux desseins qu'il a sur vous.

Ayez confiance! Oui, justement parce que vous êtes appelées à œuvrer dans l'Église par l'apostolat le plus intime et le plus efficace. Confiance dans le Seigneur qui enlèvera de vous tout résidu, toute froideur, tout reste de péché, toute dette, toute chose qui lui déplaît, de manière à ce que vous puissiez Lui plaire beaucoup.

En Marie, Dieu n'a même pas permis la tâche du péché originel. Voulez-vous que ces jours-ci, il vous accorde à vous aussi d'être pures, d'avoir la pleine innocence? Voulez-vous qu'il enlève de vous même la plus petite tache ? Qu'attendez-vous? Ayez une grande confiance. Le Seigneur enlèvera tout et vous donnera tout. Êtes-vous disposées à faire une confession qui vous fasse descendre jusqu'au tréfonds de votre âme? Je ne crois pas que vous deviez penser à une confession générale... N'ayez pas de scrupules, mais découvrez, enlevez tout ce qui peut déplaire à Jésus. Enlevez l'esprit de curiosité, l'attachement à l'estime de soi, à votre volonté, aux caprices; la recherche des consolations de Dieu au lieu du Dieu des consolations; ensuite, les manquements de docilité à la grâce, aux inspirations divines; l'envie, les paroles qui ne sont pas édifiantes etc. Savez-vous que tout l'avenir de l'Institut pèse sur vous? Tout ce qui est trop humain et trop naturel en vous, enlevez-le car cela pèse sur l'Institut. Dites à Jésus Seigneur, je hais et je déteste tout ce qui te déplaît, comme tu le détestes. Si je suis loin de l'intimité avec toi, pardonne-moi! Seigneur, un pacte! Que mon âme retourne à un état d'innocence que tu aimes. Père céleste, faites qu'au terme de ma retraite, vous puissiez dire avec complaisance: Celle-ci est ma fille bien-aimée, en elle je me complais ( cf. Mt 3,17). Faites que je puisse commencer une vie nouvelle, une vie sainte.

En vous accueillant parmi ses filles, l'Église attend beaucoup de vous, ne la décevez pas! Ayez confiance que le Seigneur vous donne un tel regret de vos péchés que si vous deviez mourir ces jours-ci, vous puissiez être prêtes à vous envoler directement au paradis. Pas parce que vous devez vraiment mourir, mais que l'effusion du Saint Esprit soit tellement abondante qu'elle sanctifie toutes les puissances de votre être.

La vierge Marie vous introduira et vous fera avancer dans sa voie.
Le Divin Maître réparera tout manquement et portera votre Institut à un grand développement de façon à réaliser tous ses desseins. Il vous donnera beaucoup de vocations et il fera de grandes choses pour vous. Qu'est-ce que le Seigneur ne ferait pas pour vous? Soyez humbles et confiantes. Même le larron sur la croix, celui qui est devenu le bon larron par la suite, avait insulté le Seigneur, mais il a demandé pardon et il l'a obtenu. Un pardon total, sans purgatoire. Aujourd'hui tu seras avec moi au paradis (Lc 23,43). Un saint, le premier saint canonisé par Jésus lui-même. Soyez donc confiantes.

Les Exercices spirituels sont une prière continue. L'oraison, le chant, l'écoute des prédications, le travail, le repos, tout est prière. Dans cette prière, rappelez-vous que c'est Dieu qui agit. De son côté, il accorde tout ce qu'on lui demande, à condition, bien entendu, qu'il y ait les dispositions voulues. Il dit: Tout ce que vous demanderez… (Mc 11, 24). La prière est toute puissante.
Tous ceux qui prient sont exaucés. Priez et vous recevrez, demandez et vous obtiendrez, frappez et l'on vous ouvrira (Mt 7, 7). Si vous ne doutez pas et si vous avez la foi. Deux conditions: Si vous ne douterez pas, si vous avez la foi. Jésus offre des prières et des supplications à son Père, avec grand cri (He 5, 7), c'est-à-dire qu'il y unit son sang très précieux. Lorsque vous allez vous reposer, Jésus continue à prier. Il est toujours vivant pour intercéder en notre faveur (He 7, 25).

Examinez-vous pour voir si vous avez ces deux dispositions: l'humilité et la confiance. Avec ces deux vertus, vous progresserez dans la sainteté. Et alors les vocations aussi se multiplieront. Aux humbles, il accorde sa grâce (1P 5, 5).
Que Jésus Eucharistie vous bénisse! Demandez la sainteté, la vraie sainteté, et prenez la très sainte vierge Marie comme modèle.